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Tirée de la lettre encyclique de Jean Paul Il, « L’Église vit de l’Eucharistie », Ecclesia de Eucharistia, donnée à Rome, le jeudi saint 2003 en la vingt-cinquième année de son pontificat et en l’année du Rosaire.
Si nous voulons redécouvrir dans toute sa richesse le rapport intime qui unit l’Église et L’Eucharistie, nous ne pouvons pas oublier Marie, Mère et modèle de l’Église. Dans la lettre apostolique Rosarium Virginis Mariae, en désignant la Vierge très sainte comme Maîtresse dans la contemplation du visage du Christ, j’ai inscrit l’institution de I’Eucharistie parmi les mystères lumineux. Marie peut en effet nous guider vers ce très saint Sacrement, car il existe entre elle et lui une relation profonde.
À première vue, l’Évangile reste silencieux sur ce thème. Dans le récit de l’institution, au soir du Jeudi saint, on ne parle pas de Marie. On sait par contre qu’elle était présente parmi les Apôtres, unis « d’un seul coeur dans la prière» (cf. Ac 1, 14), dans la première communion rassemblée après l’Ascension dans l’attente de la Pentecôte. Sa présence ne pouvait certes pas faire défaut dans les Célébrations eucharistiques parmi les fidèles de la première génération chrétienne, assidus « à la fraction du pain » (Ac 2, 42).
Mais en allant au-delà de sa participation au Banquet eucharistique, on peut deviner indirectement le rapport entre Marie et l’Eucharistie à partir de son attitude intérieure. Par sa vie tout entière, Marie est une femme « eucharistique ». L’Église, regardant Marie comme son modèle, est appelée à l’imiter aussi dans son rapport avec ce Mystère très saint.
Mysterium fidei ! Si l’Eucharistie est un mystère de foi qui dépasse notre intelligence an point de nous obliger à l’abandon le plus pur à la parole de Dieu, nulle personne autant que Marie ne peut nous servir de soutien et de guide dans une telle démarche. Lorsque nous refaisons le geste du Christ à la dernière Cène en obéissance à son commandement : « Faites cela en mémoire de moi! » (Le 22, 19), nous accueillons en même temps l’invitation de Marie à lui obéir sans hésitation : « Faites tout ce qu’II vous dira. » ( jn 2, 5). Avec la sollicitude maternelle dont elle témoigne aux noces de Cana, Marie semble nous dire: « N’ayez aucune hésitation, ayez confiance dans la parole de monFils. Lui, qui fut capable de changer l’eau en vin, est capable également de faire du pain et du vin son corps et son sang, transmettant aux croyants, dans ce mystère, la mémoire vivante de sa Pâque, pour se faire ainsi « pain de vie » ».
En un sens, Marie a exercé sa foi eucharistique avant même l’institution de l’Eucharistie, par le fait même qu’elle a offert son sein virginal pour l’incarnation du Verbe de Dieu, Tandis que l’Eucharistie renvoie à la passion et à la résurrection, elle se situe simultanément en continuité de l’Incarnation. A l’Annonciation, Marie a conçu le Fils de Dieu dans la vérité même physique du corps et du sang, anticipant en elle ce qui dans une certaine mesure se réalise sacramentellement en tout croyant qui reçoit, sous les espèces du pain et du vin, le corps et le sang du Seigneur.
Il existe donc une analogie profonde entre le fiat par lequel Marie répond aux paroles de l’Ange et l’amen que chaque fidèle prononce quand il reçoit le corps du Seigneur. A Marie, il fut demandé de croire que celui qu’elle concevait « par l’action de l’Esprit Saint » était le « Fils de Dieu » (cf.lc 1, 30-35). Dans la continuité avec la foi de la Vierge, il nous est demandé de croire que, dans le Mystère eucharistique, ce même Jésus, Fils de Dieu et Fils de Marie, se rend présent dans la totalité de son être humain et divin, sous les espèces du pain et du vin.
« Heureuse celle qui a cru » ( Lc 1, 45) : dans le mystère de l’Incarnation, Marie a aussi anticipé la foi eucharistique de l’Église. Lorsque, au moment de la Visitation, elle porte en son sein le Verbe fait chair, elle devient, en quelque sorte, un « tabernacle » — le premier « tabernacle » de l’histoire — dans lequel le Fils de Dieu, encore invisible aux yeux des hommes, se présente à l’adoration d’Élisabeth, « irradiant » quasi sa lumière à travers les yeux et la voix de Marie. Et le regard extasié de Marie, contemplant le visage du Christ qui vient de naître et le serrant dans ses bras, n’est-il pas le modèle d’amour inégalable qui doit inspirer chacune de nos communions eucharistiques?
Durant toute sa vie aux côtés du Christ et non seulement au Calvaire, Marie a fait sienne la dimension sacrificielle de l’Eucharistie. Quand elle porta l’enfant Jésus au temple de Jérusalem « pour le présenter au Seigneur » (Lc 2, 22), elle entendit le vieillard Syméon lui annoncer que cet enfant serait un « signe de division» et qu’une « épée» devait aussi transpercer le coeur de sa mère (cf.Lc 2, 34-35). Le drame de son Fils crucifié était ainsi annoncé à l’avance, et d’une certaine manière, était préfiguré le « stabat Maser » de la Vierge au pied de la Croix. Se préparant jour après jour après jour au Calvaire, Marie vit une sorte « d’Eucharistie anticipée », à savoir une « communion spirituelle » de désir et d’offrande, dont l’accomplissement se réalisera par l’ union avec son Fils au moment de la passion et qui s’exprimera ensuite, dans le temps après Pâques, par sa participation à la Célébration eucharistique, présidée par les Apôtres, en tant que « mémorial » de la passion.
Comment imaginer les sentiments de Marie, tandis qu’elle écoutait, de la bouche de Pierre, de Jean, de Jacques et des autres Apôtres les paroles de la dernière Cène : « Ceci est mon corps, donné pour vous, » (Lc 22, 19) ? Ce corps offert en sacrifice, et représenté sous les signes sacramentels, était le même que celui qu’elle avait connu en son sein ! Recevoir l’Eucharistie devait être pour Marie comme si elle accueillait de nouveau en son sein ce coeur qui avait battu à l’unisson du sien et comme si elle revivait ce dont elle avait personnellement fait l’expérience au pied de la Croix.
«Faites cela en mémoire de moi » (Lc 22,19). Dans le « mémorial » du Calvaire est présent tout ce que le Christ a accompli dans sa passion et dans sa mort. C’est pourquoi ce que le Christ a accompli envers sa mère, il l’accomplit aussi en –notre faveur, Il lui a en effet confié le disciple bien-aimé et, en ce disciple, il lui confie également chacun de nous : « Voici ton fils ! ». De même, il dit aussi à chacune de nous : « Voici ta mère t » (cf. jn 19, 26-27).
Vivre dans l’Eucharistie le mémorial de la mort du Christ suppose aussi de recevoir continuellement ce don. Cela signifie prendre chez nous — à l’exemple de Jean— celle qui chaque fois nous est donnée comme Mère. Cela signifie en même temps nous engager à nous conformer au Christ, en nous mettant à l’école de sa Mère et en nous laissant accompagner par elle. Marie est présente, avec l’Église et comme Mère de l’Église, en chacune de nos Célébrations eucharistiques. Si Église et Eucharistie constituent un binôme inséparable, il faut en dire autant du binôme Marie et Eucharistie. C’est pourquoi aussi la mémoire de Marie dans la Célébration eucharistique se fait de manière unanime, depuis l’antiquité, dans les Églises d’Orient et d’Occident.
Dans l’Eucharistie, l’Église s’unit pleinement au Christ et à son sacrifice, faisant sien l’esprit de Marie. C’est une vérité que l’on peut approfondir en relisant le Magnificat dans une perspective eucharistique. En effet, comme le cantique de Marie, l’Eucharistie est avant tout une louange et une action de grâce. Quand Marie s’ exclame : « Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit exulte en Dieu mon sauveur », Jésus est présent en son sein. Elle loue le Père « pour » Jésus, mais elle le loue aussi « en» Jésus et « avec » Jésus. Telle est précisément la véritable « attitude eucharistique ».
En même temps, Marie fait mémoire des merveilles opérées par Dieu dans l’histoire du salut, selon la promesse
faite à nos pères (cf. Lc 1, 55), et elle annonce la merveille qui les dépasse toutes, l’Incarnation rédemptrice. Enfin, dans le Magnificat est présente la tentation eschatologique de l’Eucharistie. Chaque fois que le Fils de Dieu se présente à nous dans la « pauvreté » des signes sacramentels, pain et vin, est semé dans le monde le germe de l’histoire nouvelle dans laquelle les puissants sont « renversés de leurs trônes » et les humbles sont « élevés» (cf. Lc L, 52). Marie chante les « cieux nouveaux» et la « terre nouvelle » qui, dans l’Eucharistie, trouvent leur anticipation et en un sens leur « dessein » programmé. Si le Magnificat exprime la spiritualité de Marie, rien ne nous aide à vivre le mystère eucharistique autant que cette spiritualité. L’Eucharistie nous est donnée pour que notre vie, comme celle de Marie, soit tout entière un Magnificat!
Et dans sa conclusion, Jean-Paul II ajoute:
Mettons-nous à l’école des saints, grands interprètes de la piété eucharistique, authentique. En eux, la théologie de l’Eucharistie acquiert toute la splendeur du vécu, elle nous « imprègne » et pour ainsi dire « nous réchauffe ». Mettons-nous surtout à l’écoute de la très sainte Vierge Marie, en qui, plus qu’en quiconque, le Mystère l’Eucharistie resplendit comme mystère lumineux. En nous tournant vers elle, nous connaissons la force transformante de I’Eucharistie. En elle, nous voyons le monde renouvelé dans l’amour. En la contemplant, elle qui est montée au Ciel avec son corps et son âme, nous découvrons quelque chose des «cieux nouveaux » et de 1a « terre nouvelle» qui s’ouvriront à nos yeux avec le retour du Christ. L’eucharistie en est ici-bas le gage et d’une certaine manière l’anticipation.
Contempler le visage du Christ et le contempler avec Marie, voilà le programme que j’ai indiqué à l’aube du troisième millénaire, l’invitant à s’avancer au large sur l’océan de l’histoire avec l’enthousiasme de la nouvelle évangélisation j’ai voulu placer la vingt-cinquième année de mon pontificat sous le signe de la contemplation du Christ à l’école de Marie.